Le paradoxe de DJ-MAN
DJ-MAN = Dai Junfu (champion de go) + Marc-Antoine Nguyen (champion d'échecs, xiang qi)
Remontons le temps. Nous sommes en 2009, au moment de la stabilisation en parallèle les manuscrits de Chûban et du livre de Xiang qi.
Junfu écrit dans une première version qu'il m'envoie :
« Au go, vous semble-t-il logique qu’en avance, il faut renforcer ses positions, jouer calmement et solidement, alors qu’en retard, il faut compliquer la situation et chercher le combat ? ».
Magnifique, mais le mot « logique » me gêne.
Parallèlement, Marc-Antoine déclare à propos du xiang qi une définition transposable à l’identique dans tous les jeux d’échecs :
« Aux échecs, vous semble-t-il naturel de prendre des risques lorsque vous bénéficiez de l’initiative et de l’avance, alors que vous allez renforcer votre défense et protéger votre général (le roi) lorsque vous êtes en retard ? ».
Super, mais est-ce vraiment « naturel » ? Et je remarque au passage que les théories du go et des échecs sont en totale opposition.
Évidemment, en tant qu’éditeur, une telle contradiction – qui n’est qu’apparente comme nous le verrons – est une manne : ce n’est pas du tout évident ! Ni logique, ni naturel. Toutefois, ne doutant pas une seconde que les auteurs et champions avaient tous les deux raison sur le champ d’application de la stratégie dans leur domaine respectif, je leur ai aussitôt demandé de fournir la démonstration de ces « évidences ». Il est formidable d’assister à deux conclusions radicalement opposées à partir d’un contexte apparemment semblable, et la démonstration fut fournie dans les deux livres.
Les deux champions sont d’accord sur les points suivants. En situation d’équilibre, il faut identifier :
- (1) les faiblesses du dispositif adversaire et un moyen de les exploiter,
- (2) ses propres faiblesses et un moyen de les réduire, l’ensemble de préférence avec un seul coup !
Le dilemme : mais comment expliquer leur divergence, par exemple à propos des positions « en retard » ? L’un préconise un haut niveau de risque (attaquer, compliquer la position), l’autre un haut niveau de prudence (consolider, assurer la défense en priorité), et vice versa dans les positions « en avance ».
Paradoxe ? Pas tout à fait, il y a d’abord une raison intuitive :
Ce ne sont pas les mêmes jeux
D’accord. Super. Et alors, c’est tout ? On avance, mais c’est encore un peu vague.
Segmentation et prototypage des systèmes
Poursuivons. Avec le go et les échecs, j’ai sous la main deux systèmes.
Le premier me dit que si je suis en retard, je dois attaquer, compliquer la position, accroître le niveau d’exposition au risque. Inversement, le second préconise une défense solide.
Prenons maintenant un troisième système quelconque. Vraiment quelconque, puisque c’est vous qui allez le choisir. Pensez au jeu de votre choix parmi cette liste : Othello, Dames, Hive, Caylus, 7 Wonders, Stratégo, Poker (cash game). Peu importe lequel. Supposons que vous êtes en retard (en milieu de partie). Que faites-vous ? Vous compliquez ou vous consolidez ? C’est forcément l’un, ou l’autre, n’est-ce pas ?
Il semble donc qu’échecs et go nous offrent deux prototypes parfaits d’une segmentation de tous les systèmes en deux familles bien distinctes :
• La famille des jeux où le joueur en retard doit accroitre sa prise de risque (attaquer).
• La famille des jeux où le joueur en retard doit consolider (défendre).
Je pose une première question : comment nommer ces deux familles ?
À l’époque des manuscrits (2009), la réponse avait nécessité de longs échanges avec des joueurs et champions de tous poils, et plusieurs semaines de réflexion. Il a fallu sortir du contexte. Pour trouver la réponse, que je dévoilerai dans le prochain volet de l’étude, nous nous intéresserons au Risque, tel qu’il est défini en finance et en économie de marché.
Puis une troisième famille va apparaître. Sans la nommer ni la décrire pour l’instant, j’annonce déjà son prototype : c’est le 1000 Bornes ! Et nous verrons comment le raisonnement apparemment compliqué dans lequel je vous embarque est en réalité totalement acquis et intuitif pour des enfants de huit ans.
Étape 2 : évaluation de la position |
J'attends la suite !
RépondreSupprimer12 articles publiés à date. Je pense que l'ensemble en fera 40 ou 50.
RépondreSupprimerLes dix prochains sont prêts. Content que ça plaise.
Passionnant! De telles réflexions sont rares dans le domaine ludique, en particulier en ce qui concerne les jeux de plateau ainsi que les wargames. J'attends avec impatience les épisodes de la prochaine saison ! :-)
RépondreSupprimerLe jeu de GO représente aussi une philosophie chinoise.
RépondreSupprimerIl y a des liens mythique entre le GO et YI QING, le Daoisme etc
A travers les stratégies de GO, on voir les idéologies chinoises : résumé par un mot dans le YI QING :中庸 pas facile à traduire, à ce que j'ai compri, je le défini comme "le chemin du milieu"
Junfu DAI