17 févr. 2010
[Poker] Aide aux lecteurs de France-Soir
Le mercredi 17 mars 2010, le quotidien national France-Soir a changé de ligne éditoriale.
Praxeo a été invité à contribuer à l’aventure en publiant chaque jour un problème de poker. C’est à la fois un grand honneur d’avoir été sollicité, mais aussi une belle reconnaissance pour le poker en général, qui côtoie maintenant les grands classiques dans les pages jeux grand public comme les mots croisés et le Sudoku.
Qui suis-je ?
Pour les présentations, je suis Alexis Beuve, passionné de jeux.
- Né en 1968, joueur de poker depuis 1978, mais aussi d’échecs, de go, mah-jong, backgammon, échecs chinois (xiang qi) et japonais (shogi), etc.
- Auteur de Le poker, au-delà du hasard (un traité de 768 pages sur le Texas hold’em no limit), dont la troisième édition est parue en mars 2010.
- Fondateur de la maison d’édition Praxeo (2003). J’édite des livres sur les jeux écrits par des champions (comme le jeu de go). Vous êtes ici sur mon blog et toutes les parutions sont accessibles dans le menu à droite.
Le blog Praxeo
Important : il s’agit bien d’un blog et non d’un site commercial. Je ne vends rien ici. C’est un lieu d’échange et en particulier, cet article est à votre disposition. Les lecteurs de France-Soir peuvent poser tous types de questions et laisser des commentaires en bas de page. Je répondrai à tout.
Le problème de poker de France-Soir
Le problème proposé chaque jour a suivi un cahier des charges très strict, imposé par la Rédaction.
Trois joueurs s’affrontent au Texas hold’em no limit. On leur donne donc deux cartes à la distribution. Dans le cadre de cet exercice, la force d’une main s’évalue par rapport à ses perspectives de posséder la combinaison la plus forte à l’abattage, c’est-à-dire lorsque le croupier aura donné le flop, puis la quatrième carte du tableau (turn) et enfin la cinquième carte (river), sachant qu’elles sont prises au hasard. Chaque joueur constituera (mentalement) la plus forte combinaison de cinq cartes avec les sept disponibles.
Première question – distribution (2 cartes en main)
Qui est favori ? Qui est deuxième ? Qui est troisième ?
Dans la question 1, on évalue la force d’une main à la distribution, où il reste cinq cartes à tirer.
Puis on dévoile les trois cartes du flop.
Deuxième question – flop, 3 cartes communes sont dévoilées
Qui est favori ? Qui est deuxième ? Qui est troisième ?
Dans la question 2, on évalue la force d’une main avec le flop, où il reste deux cartes à tirer.
J’attire aussi l’attention du lecteur sur une question d’observation : quelle main s’est renforcée avec le flop, quelle main s’est affaiblie ?
Il s’agit donc d’un exercice très simple, que les puristes dénonceront même comme simpliste parce qu’il manque les enchères, les tapis et les positions : trois critères essentiels pour bien jouer au poker et prendre les bonnes décisions. Pourtant, essayez avant de juger, car cet exercice ne manque pas d’intérêt. Voyez plutôt :
- Il rend le poker accessible à tous
- Il affine la lecture et l’évaluation d’une main, même pour des joueurs confirmés
- Il donne les prémices d’une décision d’enchère ou d’attitude
- Il attire l’attention sur des pièges, notamment grâce à un choix pertinent des mains et des flops dans mes compositions (il y a des pièges).
- Aucun de mes relecteurs, qui sont pourtant de très bons joueurs de poker, n’a trouvé à ce jour toutes les réponses d’une semaine complète.
- On voit les cartes de tous les joueurs, comme à la télé : pour les amateurs, cet exercice rendra les tournois et les commentaires plus compréhensibles pour le plus grand nombre.
Si vous ne connaissez rien au poker et en particulier au Texas hold’em, rendez-vous sur cette page, vous y trouverez les règles du jeu.
La hiérarchie des combinaisons
Déroulement de la donne complète
Quelques commentaires sur cette main :
- A-K assortis est l’une des meilleures mains de départ à trois joueurs. Elle équivaut à une paire de 9.
- Le flop est favorable, avec une paire de rois splittée (un roi en main, un roi au flop).
- Le turn est une grande carte, qui donne un tirage de couleur max (à l’As), et aussi un tirage de suite ventral avec A-K-Q-10.
- Malheureusement, la river est décevante, et la main finale est paire de roi, kicker As (qui peut faire la différence en cas d’affrontement de paires de rois). Une main finale en fait très correcte.
Important
Pour résoudre les problèmes de France-Soir, il n’est pas nécessaire de connaître toutes les règles du poker. Le principe distribution / flop / turn / river et la hiérarchie des combinaisons suffisent. Les explications de cet articles serviront à répondre juste, et à comprendre les fondamentaux.
Comment résoudre les problèmes ? (1) Préflop
Préflop, c’est la distribution de deux cartes. Au Texas hold’em, la meilleure main de départ est A-A, suivie de K-K puis Q-Q. Ensuite, la force d’une main dépend du nombre de joueurs, pour des raisons assez complexe hors sujet dans le cadre de cet exercice. Je vous donne par exemple la hiérarchie de toutes les mains dans l’ordre.
Les cartes assorties sont représentées par deux cœurs, mais évidemment, tout autre assortiment de couleurs convient.
Les cartes dépareillées sont représentées par un carreau et un trèfle. Tout autre couple de couleurs convient.
À quelques exceptions près, ce barème (spécifique pour trois joueurs) résout directement tous les exercices / question (1), mais pourrez-vous le retenir par cœur ? Heureusement, ce n’est pas le but, il y a des phénomènes plus importants à comprendre sur les mains de départ.
Les paires
À trois joueurs, les paires servies à la distribution sont fortes, sauf 2-2 qui reste toujours très fragile, parce qu’elle va rencontrer la plupart du temps trois overcards au flop. Les overcards sont des cartes supérieures. Chacune d’elle génère le risque d’un affrontement paire 2-2 contre une paire X-X, avec un X au flop, où l’adversaire possède une main X-Y, une main de distribution qui peut être complètement anodine.
On distingue trois familles de paires à trois joueurs.
Les paires très fortes : A-A, K-K, Q-Q et aussi J-J (il n’y a que trois joueurs).
Les paires moyennes : 10-10, 9-9, 8-8 et aussi 7-7 et 6-6, à la frontière. Ces mains seront généralement favorites. À trois joueurs, la paire de 8 a exactement 50% de chances de gain à l’abattage (river), il ne reste que 25% pour chacun des deux autres si leurs main sont prises au hasard.
Les paires faibles : 5-5, 4-4, 3-3, 2-2
Les grosses cartes « Broadway »
Broadway désigne des mains constituées uniquement d’A, K, Q, J ou 10.
On y trouve, dans l’ordre hiérarchique décroissant :
- Les mains très fortes à trois joueurs : A-K, A-Q, A-K, A-J
- Les mains fortes : K-Q, A-10, A-Q, K-J, A-J, K-10, A-10, K-Q
- Les mains moyennes-fortes : Q-J, Q-10, K-J, J-10, K-10, Q-J, Q-10, J-10
Toutes ces mains sont en général favorites préflop, même J-10, qui par sa position centrale, génère de nombreuses possibilités de tirages. Vous verrez de nombreux exercices où J-10 est devant K-x. Ne tombez pas dans le piège. Par exemple,
- J-10 assortis vaut à peu près autant que K-10 ou A-9 dépareillés
- J-10 dépareillés équivaut à K-7 assortis ou K-9 dépareillés.
Les As
Toutes les mains de type A-x (de A-K à A-2) possèdent un bon potentiel.
À trois joueurs, des mains comme A-9, A-8 seront favorites à la distribution dans 40% à 44% des cas (c’est beaucoup en comparaison à la moyenne nominale à trois joueurs : 33%).
L’As présente deux intérêts :
- Si personne n’améliore sa main avec le tableau (ce qui arrive souvent), la main carte isolée « hauteur As » peut avoir ses chances.
- Toucher la paire max au flop (ou au tableau). Par exemple, pour affronter K-K chez l’adversaire, donnez-moi s’il vous plaît n’importe quelle carte A-x (30% contre K-K). Les mains A-K, A-Q ou A-2 ont à peu près les mêmes chances de battre K-K en main chez l’adversaire. Il suffit d’un As au flop, turn ou river, sachant que la paire de rois ne s’améliorera en brelan qu’avec 12% des flops, une fois sur huit.
Les connecteurs
C’est une famille de mains à fort potentiel, toutes proportions gardées.
Exemple parfait : 6-5 assortis (de même couleur). Sachez que c’est la main qui a le plus de chances contre A-A chez l’adversaire : 23,5%. C’est faible, mais non négligeable et de toutes façons, c’est le maximum. Par exemple, K-K contre A-A ne gagnera que sur 18% des tableaux, nettement moins que 6-5 !
La force des connecteurs provient d’abord du tirage de suite, puisque des cartes consécutives génèreront davantage de possibilités de suite que des cartes prises au hasard.
On parle aussi de connecteur à trous. Toutefois, on souhaite que les tirages de suite soit bilatéraux (8-7-6-5 attend un 9 ou un 4, soit huit cartes améliorantes, 32%) alors que A-K-Q-J attend seulement les 10 et plafonne 17% d’amélioration, une fois sur six seulement.
Connecteurs : K-Q, Q-J, J-10, 10-9, 9-8, 8-7, 7-6, 6-5, 5-4, 4-3
Connecteurs à trou : K-J, Q-10, J-9, 10-8, 9-7, 8-6, 7-5, 6-4, 5-3
On parle aussi de connecteurs à deux trous, comme K-10 ou Q-9, qui ne manquent pas de potentiel mais attention, ils sont nettement moins forts que les connecteurs.
Les connecteurs assortis
Deux cartes d’une même couleur offrent 6,5% de chances de couleur à la river, auxquelles s’ajoutent les chances de trouver une paire ou plus. C’est faible ? Oui, mais souvent suffisant pour faire la différence et rendre parfois la main favorite !
À trois joueurs, 6-5 assortis a les mêmes chances que 8-7 ou Q-4 dépareillés. C’est une main meilleure que 9-5, 10-4, 7-5 et 8-5, tous assortis.
- 9-7 et 8-7 assortis valent une paire de 3
- 9-7 et 8-7 dépareillés valent un peu moins qu’une paire de 2.
- K-Q assortis est au-dessus de 7-7, et K-J assortis juste en dessous.
- K-Q dépareillés est au-dessus de 6-6, mais K-J est légèrement en-dessous.
Les cartes assorties
N’importe quelle main X-Y de même couleur offre de belles perspectives :
Paire X, paire Y, couleur + autres tirages moins fréquents. Naturellement, des mains comme 9-4 ou J-2 sont faibles (respectivement 28% et 26% de chances de gain à la river contre deux autres mains prises au hasard, c’est peu comparé à la moyenne de 33% à trois joueurs. Par conséquent, mieux vaut au moins une carte forte dans un binôme de cartes assorties (A-6), idéalement deux (A-J). Parmi les mains assorties dans la moyenne à trois joueurs (33% de chances), on trouve par exemple Q-4, J-5, 10-6 ou 8-7 assortis, alors que les mains dépareillées moyennes sont K-5 ou 10-8.
Commencez-vous à pressentir qu’à trois joueurs, une main assortie remplace deux unités de valeur faciale ? Q-J dépareillés = Q-9 assortis ou J-10 assortis. Un bon moyen pour évaluer les mains de départ sans réfléchir.
Les autres mains
Elles sont toutes faibles. Par exemple, K-6 est au-dessus de la moyenne, mais doit vraiment s’améliorer au flop (x% seulement) pour espérer poursuivre la donne.
À trois joueurs, K-2 ou 10-7 valent autant qu’une paire de 2, c’est-à-dire pas grand-chose.
Affrontements préflop
Deux grosses cartes contre deux cartes faibles = 60% / 40%.
Voilà tout le problème du hold’em : la force d’une main est toute relative et n’offre aucune garantie à la distribution. Si la donne va jusqu’à l’abattage, A-K assortis ne bat 7-4 dépareillés que dans deux fois sur trois (66,4%), et non 90% et plus comme on pourrait le penser en débutant. Mais heureusement, et c’est bien là la limite de l’exercice, à une vraie table de poker, les enchères vont permettre à A-K d’augmenter ce ratio de façon vertigineuse : en relançant préflop, puis au flop, 7-4 a peu de chance de voir la river. C’est une main tellement nulle qu’on a envie de passer dès le premier coup de semonce.
Néanmoins, si un joueur décide de maintenir, par exemple, des connecteurs assortis en jeu, il obtiendra de bons résultats, même contre une paire d’As.
Domination
Bien sûr, ne retenez pas les chiffres, mais seulement les idées. D’ailleurs, en voici une absolument capitale lors des affrontements : la domination.
K-7 n’est pas une main complètement nulle, mais si un adversaire possède K-10 (ou même seulement K-8), la main K-7 joue avec une seule carte : le 7 ! Tous les rois avantagent son adversaire.
Le phénomène de domination est crucial. Si vous le comprenez, vous trouverez souvent la solution de mes exercices préflop, sans même réfléchir et encore moins calculer.
Prenons la distribution du vendredi 19 mars 2010.
Solution préflop (faites abstraction du flop) : A-6 39% > K-7 31% > Q-8 30%
Le problème n’est qu’une demi-domination de la main K-7. Le roi de K-7 souffre de la présence de l’As de A-6, et le 7 souffre du kicker 8 de Q-8.
Contre deux mains prises au hasard, K-7 aurait eu 36% de chances de gain au lieu de 31%, ce qui n’est pas du tout la même chose, surtout si on compare à la moyenne à trois joueurs de 33%. Cette main forte devient plutôt faible à cause d’une domination des deux cartes. Mais ce n’est qu’une domination relative : au moins tous les rois et tous les 7 sont-elles des cartes améliorantes de notre main. Il y a pire : la domination effective.
Changeons un tout petit peu la distribution, un 6 devient un 7, et Q-8 devient K-6.
On aurait alors A-7 65% > K-7 12% (!!) > K-6 23%
Vous avez bien lu : K-6 est deux fois plus fort que K-7 dans cette configuration !
En effet, le phénomène de domination est très fort. Les 7 potentiels qui arrivent au flop (et turn, river) améliorent avant tout A-7, qui restera devant K-7. Inversement, au moins K-6 a-t-il les perspectives exclusives d’amélioration par les 6, et ce, même si son roi est également dominé par le roi adverse ! Pour gagner avec K-7, il faut un tableau avec un roi ET un 7, ce qui se produira rarement, bien sûr, ou bien quatre cartes assorties (cœurs ou carreaux). Il faudrait beaucoup de chance pour gagner seulement avec les cartes dans ces conditions. À une vraie table de poker, de telles donnes sont dramatiques : par exemple, sur un flop A-K-6, le possesseur de K-7, la deuxième paire, va se croire fort et aura bien envie d’attaquer. Pourtant, à partir de ce flop, ses chances à l’abattage culminent à 0,3%, loin derrière la paire d’As de la main A-7 et surtout les deux paires K-6 de la main.
D’une manière générale, en duel, les mains X-Y qui affrontent X-« Y-1 » (exemple A-K contre A-Q, ou 10-9 contre 10-8) sont largement favorites, à hauteur de 70% à 75%, par phénomène de domination.
Ce phénomène est d’une incroyable stabilité. Par exemple, contre J-10, toutes les mains J-9 à J-2 sont à peu près équivalentes : 30% de gain seulement en duel.
Dans mes exercices, c’est à vous d’identifier ces dominations. Elles sont fréquentes et facilement repérables.
Comment résoudre les problèmes ? (2) Flop
Avant tout, il faut savoir qu’une main X-Y trouve le flop dans 35% seulement. Ainsi, même avec A-K en main, vous serez souvent déçu en découvrant le flop !
Une paire X-X trouve un brelan au flop dans 12% des cas. Voilà pourquoi on parle de paires fortes (A-A, K-K, Q-Q) et de paires moyennes et faibles : les premières n’ont pas forcément besoin d’améliorer pour gagner et ça tombe bien, parce que les améliorations arriveront rarement.
Les paires en main, les paires splitées, les kickers
En main : A-10
Flop : 10-5-4
C’est le cas idéal, le joueur possède la paire supérieure du flop avec un 10 en main et un 10 au flop. Encore mieux, en cas d’égalité de paire, souvenez-vous que toute main de poker fait 5 cartes. Ainsi, contre un adversaire qui possèderait K-10 à ce stade, A-10 resterait favori dans une proportion écrasante de 87% contre 13%. L’As est le kicker, et même si le roi adverse est un très beau kicker aussi, il ne pèse vraiment pas lourd ! L’effet de domination est donc encore pire au flop que préflop.
Top paire, medium paire, bottom paire
Ces termes anglais sont utilisés par tous les joueurs réguliers. Toutefois, dans le cadre d’un grand quotidien français, je dois faire un effort de vocabulaire.
Vous avez J-8 en main.
- Sur un flop 8-5-2, vous possédez la top paire du flop. Appelons-ça la « paire haute » ou « paire max ». Vos chances à partir de ce flop, contre deux mains prises au hasard, sont très élevées.
- Sur un flop A-8-2, vous possédez la « paire médiane » ou « paire du milieu » (middle pair). Bien sûr, c’est nettement moins bon que la top paire, parce que n’importe quel As dans une main adverse vous bat.
- Sur un flop A-K-8, vous possédez la bottom paire, la paire inférieure du flop. C’est encore moins bon et même dangereux s’il y avait des enchères.
Pour avoir un ordre de grandeur de la force des mains : prenez deux mains adverses au hasard. Sur le premier flop, avec la paire supérieure, J-8 est favori à hauteur de 57% (et 21% pour chacun des deux autres), avec la paire du milieu, ses chances chutent à 54% et avec la paire inférieure, seulement 48%.
Bien sûr, tout cela est purement théorique, en faisant abstraction des mises, ce qui est l’exercice demandé. Au poker, c’est un peu différent.
Overpaire
Lorsque vous possédez une paire en main, elle s’avèrera très forte, et très souvent largement favorite, si toutes les cartes du flop lui sont inférieures. Vous possédez une overpaire. Par exemple : J-J en main et 10-4-3 au flop. Contre deux mains au hasard, elle est favorite à 56%, contre 22% pour les deux autres. L’overpaire J-J en mains est encore plus forte que la top paire 10-x.
Overcard
Thème fondamental du flop, l’overcard désigne une carte du flop supérieure à votre paire, qu’elle soit en main, ou splittée avec le flop.
Exemple classique : Q-Q en main, une distribution vraiment très forte. Malheureusement, le flop dévoile A-K-4. L’As et le roi sont deux overcards, des cartes supérieures. Votre main est battue – au stade du flop – par de simples A-2 ou K-3 ! S’il y avait des enchères adverses au flop, Q-Q passerait généralement à cause des deux overcards. D’une manière générale, on peut vraiment identifier quatre niveaux de risque lorsqu’on possède une paire :
- 0 overcards : cas idéal. Voilà pourquoi la paire d’As est à ce point plus forte que la paire de rois : elle aura toujours 0 overcards au flop. Toutefois, K-K et Q-Q auront plus souvent 0 overcards qu’une overcard. Pour J-J, c’est 43% des flops avec 0 overcards et 43% avec 1 overcard.
- 1 overcard : ce qui se produira le plus souvent avec 10-10, 9-9 ou 8-8 en main. Voilà pourquoi elles forment les paires moyennes. La paire de 7 est à la frontière.
- 2 overcards : le cas le plus fréquent avec 6-6, 5-5 et 4-4.
- 3 overcards : ce sont les overcards qui rendent 4-4, 3-3 et surtout 2-2 si faibles.
Elles flopent un brelan une fois sur huit et dans la plupart des autres cas (100% pour 2-2), elles doivent affronter 3 overcards.
Application : problème du 3 avril 2010
# IMAGE 23 À PARAÎTRE
Le samedi, c’est plus difficile. Le samedi, il y a une ou deux cartes, et même parfois plus, qui restent invisibles, Sous-entendu, elles sont prises au hasard et peuvent représenter n’importe quelle carte. Il faut réfléchir, faire des moyennes, mais si on connaît un peu de théorie, c’est très facile.
Justement, dans l’exercice du 3 avril 2010, nous voyons 6-6 contre deux mains prises au hasard, flop A K 7. Devant un tel flop de trois cartes supérieures, la paire 6-6 n’est tout simplement pas favorite, même si les deux mains adverses sont prises au hasard : en effet, il y a beaucoup de A, K, 7 et de paires supérieures aux 6 dans des mains prises au hasard ! Notre paire plafonne à 27%, contre 36% pour chacune des deux autres. Si on remplace 6-6 par 8-8, il ne reste que deux overcards. Pensez-vous que cela suffise à rendre la paire favorite ? En fait, oui ! (42%-29%-29%).
Pour faciliter la résolution des problèmes au flop, retenez qu’une paire est généralement favorite contre deux overcards, et outsider contre trois. Simple, non ?
LES TIRAGES
1/ Tirage de couleur
La couleur étant meilleure que la suite dans la hiérarchie des combinaisons, les tirages de couleurs sont souvent les plus recherchés.
Règle fondamentale : une main de 4 cœurs (ou n’importe quelle autre couleur au flop) a 35% de chances de terminer en couleur. Naturellement, ce chiffre s’entend sans connaître les mains adverses. Chaque cœur en main adverse diminue les chances de couleur de 4% environ (nous reverrons ce concept un peu plus loin, avec les outs).
Ainsi, un tirage de couleur est une main à gros potentiel.
Regardez l’exemple du mercredi 24 mars 2010.
Avec un flop 4 8 2, la main 9-7 (tirage couleur) reste nettement favorite (48%) devant la top paire (!) K-8 (38%) et A-4 (15%).
2/ Tirage de suite bilatéral
Nous le savons déjà, un tel tirage s’améliore à partir du flop à hauteur de 32%, presque une fois sur trois. Mieux vaut un tirage de suite bilatéral qu’une petite paire faite qui affronte trois overcards, et même seulement deux, comme c’est le cas dans l’exercice du vendredi 26 mars.
Au flop : 10-9 (tirage de suite bilatéral) > 4-4 (paire) > A-K (grosses cartes et tirage de suite unilatéral).
Les tendances préflop
Voici ce qu’il faut retenir pour appréhender mes problèmes de façon qualitative, sans calcul. Le plus grand nombre appréciera. Les éléments qui suivent vont améliorer votre intuition.
Une paire faible n’est pas favorite préflop contre deux overcards adverses.
Exemple du mercredi 17 mars 2010. Préflop : A-9 > 8-7 > 6-6.
Une paire moyenne est souvent favorite préflop, même contre un très fort A-K assortis.
Exemple du 1er avril 2010.
# IMAGE 29 À PARAÎTRE
Préflop : 9-9 > A-K > 5-4
Une paire faible (y compris 7-7) est parfois fragile préflop devant des overcards solides en main adverse.
Exemple du 28 avril 2010.
# IMAGE 30 À PARAÎTRE
Préflop : K-Q > 7-7 > A-J
Les tendances du flop
Au flop, tout s’inverse avec les paires, ou presque. Pour améliorer, il n’y a plus 5 cartes mais seulement 2. Ainsi, voici une règle qui va grandement simplifier votre jugement.
Les paires déjà constituées en main seront souvent favorites devant d’autres mains telles que grosses cartes isolées, tirages de suite par le ventre (A-10 en main et K-Q-4 au flop, manque le valet).
En revanche, face aux tirages de suite bilatéraux et aux tirages de couleur, la hauteur de la paire et le nombre d’overcards est capital pour déterminer la véritable force de chaque main.
Ces derniers seront les exemples les plus compliqués. La paire est souvent équivalente au tirage, selon la hauteur des cartes et d’autres facteurs plus compliqués qui sortent du cadre de cet exercice.
Mais revenons à la règle générale.
Exemple du 23 mars 2010
Tout le monde rate le flop et alors, la paire de 6 culmine largement en tête, avec 59%, c’est vraiment énorme à trois joueurs, puisqu’il faut toujours comparer cette quantité à la moyenne de 33% ! Il ne leur reste que 41% à partager à deux. Les deux autres valent justement, 25% et 16% respectivement. Une paire faite compense vraiment toutes les overcards adverses (en main) lorsque tout le monde rate le flop.
Récapitulons, et allons plus loin.
Comment résoudre la question du flop ?
Il y a deux façons d’aborder le problème :
L'évaluation qualitiative au flop
Vous connaissez les grands principes du poker, êtes habitués aux phénomènes de tirages, overcards, domination etc. : souvent, une approche pifométrique ou même intuitive apportera la solution. Pour cela, vous connaissez les grandes « tendances » (paragraphes précédents).
L'évaluation quantitative au flop : les outs
Comment trouver à tous les coups la réponse 2 de chaque exercice. C’est nettement plus difficile, mais aussi plus rigoureux et plus fiable, C’est la seule méthode vraiment fiable pour résoudre tous les problèmes de la semaine.
Théorème : au stade du flop chaque carte améliorante offre environ 4% de chances de gain supplémentaire. Une carte améliorante s’appelle un out. (prononcer « a-oute »)
Ce théorème reste parfaitement fiable jusqu’à 8 cartes améliorantes.
Exemples
- Petite paire pour amélioration en brelan à partir du flop : 2 outs = 8%
- Tirage de suite ventral : 4 outs = 16%
- Tirage de suite bilatéral : 8 outs = 32%
- Tirage de couleur : 9 outs (l’approximation donne 36%, en réalité, c’est 35%)
- Deux grosses cartes X-Y, flop raté, pour grosse paire X-X ou Y-Y : 6 outs = 24%.
Exemple : tirage de suite bilatéral = 8 outs
Avec 7-6 en main 5-4 au flop et aucun 8 ni 3 dans les mains adverses. Tous les 8 et tous les 3 donnent une suite. Il y a en 4 de chaque dans le paquet, soit un total de 8 outs. Ainsi, l’approximation donne 8 outs x 4% = 32% dans chances de suite. Quel est le chiffre exact ? 32% !
Exemple : tirage de couleur = 9 outs
Avec A-K de trèfle en main, J-8-2 au flop, et aucun trèfle dans les mains adverses, il reste 9 trèfles dans le paquet (Q, 10, 9, 7, 6, 5, 4, 3).
Estimation : 9 outs x 4% = 36%. La probabilité exacte est 35%.
Exemple : tirage suite + couleur
Vous possédez A-10 assortis en main, le flop présente J-9-8. Vous avez donc un tirage de suite et simultanément un tirage de couleur. Combien d’outs avez-vous ?
Tirage de suite = 8 outs, tirage de couleur = 9 outs, mais ne répondez pas 17 outs trop vite : attention à la dame de carreau et au 7 de carreau. Ils ont été comptés comme out de la suite, et aussi comme out de la couleur. Or ils n’existent qu’en un seul exemplaire dans le paquet. Il ne faut pas les compter deux fois. En réalité, il y a donc 15 outs.
Que donne l’approximation ? 15 outs x 4% = 60%. Au-delà de 9 outs, l’approximation à 4% par out perd en fiabilité. Le chiffre réel est 54%. (Pour les matheux, c’est une parabole, et non une droite).
Retenez surtout : tirage de suite + tirage de couleur s’améliore en suite ou en couleur (des mains très fortes) plus d’une fois sur deux. Voici pourquoi, le 24 mai 2010, on trouve la main (A) 10-9 devant (C) J-5 sur le flop A Q J, malgré une paire déjà constituée pour la main J-5, et malgré un out en moins (le valet de trèfle).
# IMAGE 32 À PARAÎTRE
Tableau récapitulatif des outs
Un tirage backdoor au flop signifie qu’il faut réunir deux cartes (turn + river) pour améliorer. Par exemple, tirage de suite backdoor à partir de J-10-9, ou tirage de couleur backdoor à partir de trois cœurs. Les chances sont faibles, mais ces 4% peuvent faire pencher la balance du bon côté, s’il y a par exemple une paire en plus du tirage.
À partir de 14 outs, une main à tirage est favorite pour s’améliorer (51%).
Pour terminer, résolvons ensemble, avec la méthode quantitative, un exercice parus dans France-Soir, celui du 21 avril 2010.
# IMAGE 34 À PARAÎTRE
Préflop
D’abord, on voit immédiatement un phénomène de domination : 8-2 est dominé par 8-7. Tous les 8 flop/turn/river ne servent que la deuxième main. C’est comme si 8-2 ne jouait que pour la couleur (6,5%) ou pour le 2, qui doit absolument rencontrer le tableau. Dans ces conditions, les chances de 8-2 doivent être faibles et je place cette main en dernière position sans aucun calcul. Ensuite, trancher entre 8-7 et 5-4 n’est pas difficile : connecteurs à trous contre connecteurs inférieurs, 8-7 doit être assez nettement devant, même si la main (B) lui a pris un 8. Si 5-4 avait été assortis, j’aurais été plus embêté. Ma réponse : 8-7 > 5-4 > 8-2, corroboré par la solution.
Flop 8 5 3
8-2 et 8-7 trouvent la top paire au flop. Par effet de domination, je juge très vite que 8-2 est quasiment drawing dead, en dernière position sans contestation. Ensuite, je remarque que 8-7 n’a pas besoin d’améliorer pour gagner, et sans possibilité de tirages adverses, cela suffirait à conclure. Mais justement, 5-4 a quand même trouvé au flop la paire médiane, un tirage de couleur et accesoirement un tirage de suite backdoor (en deux cartes).
Pour cet exercice, le jugement qualitatif ne va pas suffire. Il faut compter les outs.
Dénombrons les outs de 5-4.
- Tous les cœurs donnent la couleur : 9 outs.
- Tous les 5 pour brelan (2 outs) et les 4 pour deux paires (3 outs), mais attention, on a compté le 5 de cœur deux fois. On en est donc à 9+3+2-1 = 13 outs. D’après l’approximation des outs à 4%, 13 outs donnent 52% d’amélioration (gagnante). Le tableau donne le chiffre exact 48%.
- Toutefois, il ne faut pas négliger le tirage de suite backdoor, qui doit valoir 4%, à condition de ne pas compter les outs en doubles et que cette suite soit gagnante.
Une petite nuance : les outs sont des cartes améliorantes, mais tous ces outs sont-ils absolument gagnants ? En fait, ils le sont presque dans cette configuration, mais ce ne sera pas toujours le cas. Par exemple, le 7 de cœur au turn donne la couleur mais aussi deux paires 8-7 à l’adversaire. Bon, encore faut-il que l’adversaire trouve ensuite un full à la river (chances faible, les outs de la river ne valent que 2%, soit 8% au total). Le 7 de cœur compte donc pour 92% d’un out, pareil pour le 2 de cœur avec une tentative de brelan de 2 (4%). Pas terrible.
Bref, au stade du flop,
(C) 5-4 tourne autour de 50%, peut-être quelques % de plus avec le tirage de suite backdoor
(A) 8-2, même faible, doit peser quelque chose comme 8% à 12%, pas plus (12% est souvent le max qu’on obtient quand on est dominé)
(B) Il reste donc à peu près 40% de gain pour 8-7 et sa paire max.
J’ai ma réponse, je vérifie la solution : 5-4 (51%) > 8-7 (38%) > 8-2 (9%). On y était, de tête à 1% ou 2% près !
Voilà. Pour une première lecture, les deuxième partie de cette introduction doit paraître assez difficile. Mais relisez-là plus tard, avec un peu de pratique des exercices de France-Soir, elle devrait alors paraître limpide. S’il y a des questions, cette page est à votre disposition. Utilisez les commentaires directement sur ce blog. J’y répondrai.
Alexis Beuve
(C) Praxeo 2010
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